La langue est instrumentalisée comme un moyen d’émancipation, d’identité, de définition des nations, de sécession et de domination. Elle est certainement un moyen de communication, de pensée, une manière d’être. Au-delà, la langue a toujours été perçue dans une dialectique, une vision manichéenne qui oppose des concepts : langue/dialecte.
Menaces qui pèsent sur les langues et les cultures. D’où la nécessité de leur sauvegarde.
Instrument d’émancipation :
Cas des républiques de l’Asie centrale qui ont consacré l’abandon de la langue russe et l’adoption des langues locales, ouzbek, turkmène, tadjik, kazakh et kirghize. Après l’effondrement de l’URSS en 1991, le problème des langues devint une préoccupation majeure. La revendication linguistique a fortement marqué les événements qui agitent les républiques d’Asie centrale depuis le milieu des années quatre vingt.
D’identité :
L’affirmation identitaire revêt plusieurs formes : caractère territorial, histoire, traditions, religion, mythes fondateurs :
Exemples :
Territoire : Israël, Inde
Histoire : la Bretagne et l’Arménie.
Religion : l’Irlande et les principautés roumaines.
Les mythes fondateurs : les peuples Celtes, Slaves, Tchèques.
Les nations baltes avaient fondé leur éveil national au XIXème siècle sur l’Histoire, le territoire, l’ethnographie, la linguistique.
Estonie : la langue a joué un rôle principal de « marqueur identitaire ».
Les estoniens et les lituaniens sont des peuples qui avaient connu les affres de l’occupation étrangère, ce qui explique qu’ils avaient vécu comme des marginaux dans leurs propres pays.
L’Hébreux :
La renaissance de l’hébreu a dynamisé le réveil de la conscience juive selon la triptyque : peuple, terre, langue.
La vison d’Eliezer Ben Yéhouda : 1878, il quitte l’Allemagne pour Jérusalem. En 1890, il créa une commission de la langue hébraïque.
Religion, langue et politique : cas de l’Inde et lePakistan.
L’ourdou symbolise l’Islam, le Hindi, l’Indouisme et le Panjabi, le Sikkhisme.
Montaut souligne que :
« Pas de cohésion démocratique sans sentiment de représentation de chaque groupe et sans possibilité de participation au développement culturel et social ».
De définition des nations :
Alliances basées sur l’outil linguistique, sur la langue. Alliances dont les frontières se dilatent au gré des circonstances.
Cas de l’Egypte et de la Syrie est à ce point de vue éloquent.
Préface
« Il vaut mieux allumer une bougie que de râler contre les ténèbres » dit le proverbe chinois. C’est le but que se propose Mohamed El Manouar, l’auteur de ce travail : apporter une contribution pour une petite lueur de clarté pour vaincre l’obscurantisme!
L’ostracisme dans lequel est maintenue cette identité pose une question lourde de signification.
Les intellectuels, défenseurs de tous les patrimoines, ne semblent pas être marocains. Ceux-ci, s’ils ne se déclarent pas être ouvertement pour la mort de Tamazight, ils se terrent dans un silence de mort.
L’arrogance des uns, animés par un mépris légendaire contre cette identité, attise toutes les formes de réaction que nécessite une survie vivace de plusieurs millénaires.
Pour les autres ils participent au complot du silence oubliant que « le silence et le sang vont de pair ».
Pour les imazighen, le danger ne réside pas dans la dictature imposée par cette classe pseudo intellectuelle, mais par leur immense propension à l’obéissance aveugle et sans limite pour leur propre négation.
D’un coté un mépris total et de l’autre une passivité dépassant tout entendement.
Ingrédients dangereux et explosifs. Nous sommes un peuple d’aliénés.
Notre apport à l’humanité a été occulté.
Notre apport aux religions monothéistes : juive, chrétienne et musulmane a été balayé d’un revers de main désinvolte.
Notre Histoire est réduite à une « mascarade » insupportable puisque la première leçon commence par l’Arabie !
Nous sommes un peuple sans âme.
La meilleure aventure humaine est la rencontre avec l’autre, cette rencontre exige sa propre reconnaissance. Cette rencontre est impossible dans la laideur de l’uniformité et de la négation de soi. Elle ne peut être pleinement vécue que dans le cadre de la beauté de la diversité creuset de dynamisme, de créativité et de respect.
L’auteur, par conviction, s’accroche à la seule voie qui vaille : la pédagogie du dialogue et d’explication, seule manière d’être fort en dehors de toute violence.
Cette pédagogie du dialogue est la seule lutte valable contre ceux dont la contribution à l’injustice révèle leur posture cynique.
Sa « révolte » est sereine. Elle a la sérénité du « bon droit », la sérénité de la conviction.
Cette « révolte » n’est pas destructrice, c’est un questionnement suite à une mise en cause, c’est un sursaut salutaire, un hymne à la vie, hymne à la dignité dans la dignité. C’est à partir de soi que l’on construit sa dignité, sa liberté, son rêve.
Aujourd’hui, la reconnaissance identitaire est une donnée évidente dans le cadre des « Droits de l’Homme » que notre pays a signés et reconnus, alors quel est notre problème?.
Nos Intellectuels défendent les droits palestiniens, irakiens, de la Tchétchénie…pas kurdes et pas amazighs !
Nos politiques signent des conventions internationales pour les ignorer ou les mépriser oubliant que c’est leurs propres engagements qu’ils méprisent.
Le mensonge est avilissant, notre peuple vit dans le mensonge. Des voix s’élèvent parfois ici et là contre cette situation sans grand succès certes, mais avec grand espoir pour le devenir de ce pays. Des forces occultes « freinent des quatre fers », mais l’espoir est permis et l’avenir est à l’équité.
Nous terminons en paraphrasant Chabbi :
« Si le peuple, un jour, aspire à la vie, le destin sera au rendez-vous, La nuit s’effacera et les chaînes qui l’entravent se casseront. »
Notre nuit a été longue, notre aube commence à pointer.
Ali Bougrine